Insuffisances des théories
Si
l'accord semble être fait sur l'origine cellulaire de l'ostéoporose,
à savoir que l'activité des cellules qui détruisent
l'os (ostéoclastes) serait plus grande que celle des cellules qui
le reconstruisent (ostéoblastes), il reste de nombreuses inconnues.
Ce n'est pas notre propos de nous intéresser au point de départ
de cette affection qui s'aggrave au moment de la ménopause.
Les
chirurgiens ont la charge de reconstruire l'os que la nature a détruit.
Ils sont donc à l'autre bout de la chaîne. Ils constatent
l'importance de la perte osseuse à la gravité de la fracture,
à la quantité et à la qualité de l'os restant.
Si
la curiosité leur vient de faire un voyage à l'intérieur
de cet os, ils constateront, parmi les autres manifestations destructrices,
l'importance des phénomènes vasculaires. Ils ne sont pas
sans ignorer, qu'un os sain saigne lorsqu'il est fracturé et que
ce saignement est incontrôlable.
Il
ne peut leur échapper - empiriquement - qu'une fois l'hématome
post-fracturaire évacué, un col du fémur ostéoporotique
saigne relativement peu, surtout si l'intervention est faite à
quelque distance de l'accident, mais qu'il saigne d'autant plus que l'intervention
est rapide ( indépendamment des AC).
Plusieurs
questions viennent à l'esprit. Quelle est l'origine du saignement
? Le sang vient-il de la paroi, de l'intérieur de l'os, des déchirures
musculaires, des gros vaisseaux péri-articulaires ?
Dans
le cas des fractures trochantériennes, le saignement vient essentiellement
de l'os si la fracture est simple et peu ou pas déplacée
; de l'os et des parties molles péri-articulaires dans le cas de
fractures complexes à grand déplacement. L'expérience
prouve que le cercle artériel péri-articulaire n'est pratiquement
jamais rompu.
L'ostéoscopie
a permis de mettre en évidence au niveau de la métaphyse
fémorale supérieure, les faits suivants :
- Il existe des vaisseaux non fonctionnels, comme dans toute structure
vascularisée. Les vaisseaux de cette réserve pourront
s'ouvrir pour augmenter le débit en cas de sollicitations mécaniques
notamment
- Il existe des vaisseaux fonctionnels disposés à la
surface des lamelles osseuses, le long des bords et sur les faces,
dans lesquels circulent les éléments figurés
du sang. Ils sont distants de quelques microns de part et d'autre
(12 en moyenne). Ces capillaires artériels et veineux sont
de faible diamètre ne laissant circuler qu'une cellule visible
à l'oeil nu
- Il existe des artères de plus gros diamètre qui battent
au rythme du pouls
- On voit des écoulements de sang dans l'espace métaphysaire
de débit régulier et continu à partir de vaisseaux
de petit diamètre
- On voit des hématomes à l'intérieur de l'os
- On voit des plaques osseuses rigides, certaines autres sont partiellement
rigides et partiellement souples
- On voit des lamelles osseuses parallèles les unes aux autres,
en architecture ordonnée en quelque sorte
- On voit des lamelles osseuses détachées les unes des
autres, réparties de façon anarchique
- On voit des plaques de forme orthogonale à quatre côtés.
Certaines ont la même transparence ou opacité et d'autres
contiennent une forme ovalaire plus claire
- Certaines sont de tonalité homogène dans leur totalité,
d'autres sont plus claires en certains points
- Certaines sont pleines, d'autres sont perforées. Le trou
est au centre ou à la périphérie de la plaque
- Certaines lamelles ont des bords parallèles, d'autres sont
renflées en leur centre
- Certaines sont attachées les unes aux autres, d'autres sont
séparées et flottent librement
- On voit des amas bruns en forme de vaisseaux que l'on peut assimiler
à des micro-thromboses
- Il y a des amas compacts de cellules adipeuses. En d'autres endroits,
il y a des cellules isolées qui se déversent comme des
perles dans le champ de l'optique
- Toutes les lamelles osseuses sont blanches et le restent
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Il
est vraisemblable qu'à chacune de ces situations correspondent
des causes. On peut les imaginer à l'infini. Les petits vaisseaux
peuvent être nécrosés. L'interruption des flux peut
être du à des micro-thromboses. les plaques souples sont
peut être le fait de la libération chimique des ions minéraux.
Les points noirs sont peut être des micro-thromboses. La destruction
des plaques minérales est-elle le seul fait de destruction cellulaire.
A partir d'un certain stade, les éléments protéolytiques
des hématomes n'entrent-ils pas en jeu ? Les hématomes ne
jouent-ils pas un rôle dans la douleur des patients après
une marche prolongée en raison de l'hyperpression qu'elle engendre
à l'intérieur de l'os. Les lamelles osseuses de forme différente
sont elles séparées les unes des autres par de simples phénomènes
chimiques (rupture en bout de chaîne) et/ou bien faut-il y ajouter
des phénomènes mécaniques (micro-fracture de fatigue)?
Les formes boursouflées de certaines lamelles sont-elles le reflet
des micro-fractures décrites par Maurice-Michel Forest ? Tout ce
macrocosme, pourtant microscopique, doit être en premier lieu élucidé.
Quel somme de travail en perspective !
Il
faut laisser aux chercheurs fondamentalistes - à condition qu'ils
ne fassent que cela - le soin de nous expliquer ce que nos esprits aliénés
(c'est à dire différents) ne peuvent comprendre. Il faut
reconnaître avec humilité nos insuffisances. Ils doivent
nous informer de façon claire avec leur compétence. En sont-ils
capables ?
Il
est évident, à ce stade de la destruction, qu'aucun
médicament ne peut, sauf s'il est placé
in situ, traiter cette maladie.
S'il
est vrai qu'un chirurgien ne peut appréhender - sauf quelques exceptions
- les enseignements élémentaires de nos anciens maîtres
(philosophes, mathématiciens, physiciens), il est encore plus improbable
qu'il soit capable de comprendre le mystère encore mal sondé
de la vie intramoléculaire. Qu'il se rassure, bon nombre de médecins
- parmi les plus titrés - sont également écartés
de la sainte table.
Les
chirurgiens doivent, par contre, tout connaître des difficultés
techniques qu'ils vont rencontrer afin de pouvoir donner tout leur art
pour les solutionner. Ceci est à leur portée de technicien.
L'histoire ne pourra leur pardonner de passer à côté
d'une amélioration technique.
Ce
n'est pas à des années-lumière de leur compétence.
La solution est là. Combler les espaces vides, le faire avec un
matériau compatible, résistant et qui servira de vecteur,
de porteur de vaisseaux et de cellules dont l'os a besoin pour se reconstruire.
Ils devront, dans le même temps, reconstruire l'anatomie, c'est
à dire, s'en rapprocher le plus possible afin de minimiser les
séquelles qui surviendront inévitablement - s'ils oublient.
Quel
challenge. Il faut souhaiter ardemment que les collègues, surtout
les jeunes, prennent conscience que les personnes âgées sont
la mémoire de l'histoire et qu'il est un devoir de les en remercier.
Quel
plus beau cadeau que de les rendre le plus longtemps possible autonome.
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