Le Traitement chirurgical curatif


Nous venons de voir ce qui était utilisé hier. Quelques chirurgiens toutefois - à juste titre - continuent d'utiliser ce matériel stable qui a fait la preuve de son excellente efficacité.

La majorité des chirurgiens traumatologues se sont orientés vers un autre type de matériel les vis-plaques. Comme la perte osseuse, liée à l'ostéoporose, fragilisait le col du fémur, ils ont préféré autoriser la pénétration des deux plus gros fragments- l'un dans l'autre. Ils ne cherchent pas à stabiliser les fragments secondaires, pas plus qu'ils ne se préoccupent de combler la perte osseuse qui, dans le col du fémur a été définitivement comprimé lors de la chute, laissant un trou d'autant plus grand que l'ostéoporose est plus avancée.

Ce matériel chirurgical classique est donc destiné à maintenir en bonne position les deux seuls fragments principaux d'une fracture du col du fémur. Il est composé de deux pièces métalliques : La première (vis céphalique) est vissée dans la tête du fémur; la seconde (canon-plaque) est vissée sur le corps de l'os. Elles sont solidaires par l'intermédiaire du canon. Celui-ci est soudé à la plaque et fait un angle de 130° correspondant à celui du col du fémur.

Si le grand avantage de ce matériel, est d'éviter les cas exceptionnels de migration en dehors de la tête, le grand inconvénient est que l'on ne peut maîtriser l'importance de la pénétration des fragments l'un dans l'autre. Si une minime pénétration de 10 mm n'aura sans doute aucune importance, il n'en est pas de même si elle atteint 15 voir 20 mm et parfois plus.

Si l'on veut stabiliser une fracture complexe (plus de deux fragments), il faut reconstruire et maintenir ensemble tous les morceaux de l'os fracturé. Cette stabilisation se fait en deux étapes.


Comment rétablir l'anatomie d'une fracture complexe : technique actuelle : vis-plaque et câbles

Dans un premier temps, il faut et il suffit de définir le type de fracture en analysant les traits principaux et secondaires.

cf article suivant
Y. Cirotteau Boyd H.B. and Griffin L.L. classification :
A refinement proposal. Eur J Orthop Surg Traumatol (2002) 12 : 152-157

En savoir plus : classification modifiée des fractures trochantériennes ostéoporotiques

Dans un deuxième temps, il faut et il suffit de stabiliser le trait principal (solidarisant les fragments 1 et 2) et de stabiliser les traits secondaires. Ceci est possible grâce à l'utilisation d'une vis-plaque stabilisée pour maintenir le trait principal et les câbles pour maintenir les traits secondaires.

Outre le fait que la boiterie est dans ces cas inévitable longtemps, le déséquilibre sur la colonne vertébrale sera inévitable à moyen ou long terme. On peut - évidemment - se convaincre que cela n'a pas grande importance à la fin d'une vie. Ce n'est pas notre opinion. Quant à celui qui est plus jeune (autour de 60-65 ans) je ne suis pas certain qu'il apprécie cette différence de longueur.
En ce qui concerne les personnes plus âgées, comment peut-on accepter l'idée de diminuer encore leur force musculaire qui les aide à se tenir debout, à marcher et/ou à monter et descendre les escaliers ! Tout cela n'est pas sérieux.

Il parait tout à fait légitime et justifié, dans le cas où, en plus des deux fragments fracturés, il existe des fractures secondaires, de les traiter avec la même attention. C'est le but des câbles. Il peut être nécessaire de fixer le grand ou le petit trochanter ou les deux. En voici quelques exemples.


Hanche fracturée (vue de face)
Trait principal et grand trochanter

Hanche consolidée (vue de face)

Hanche consolidée (vue de profil)
Consolidation du
trait principal et grand trochanter

Hanche fracturée (vue de face)
Trait principal et grand trochanter

Post-opératoire (vue de face)
Stabilisation du
trait principal et grand trochanter

Post-opératoire (vue de profil)

Hanche fracturée (vue de face)
Trait principal et grand et petit trochanter

Post-opératoire immédiat (vue de face)
Stabilisation du
trait principal et des deux trochanters

Hanche fracturée (vue de face)
Trait principal et grand et petit trochanter (deux fragments)

Hanche consolidée (vue de face)

En savoir plus... la technique chirurgicale

Quel bénéfice peut en tirer le patient ?

Dans l'immédiat, une diminution nette de la douleur. Il est curieux de constater que si tous les traumatologues s'accordent pour dire que le meilleur des antalgiques (des traitements pour lutter contre la douleur) est - en matière de fracture - l'immobilisation d'abord et avant tout, dès que l'on parle de fractures du col, on "oublie" ce principe élémentaire !

C'est pourtant, dès les temps ancestraux, à l'aide d'une attelle que l'on immobilisait les membres fracturés ; puis on inventa le plâtre et la résine, l'ostéosynthèse (fixation à l'aide de matériel métallique composé de vis, de clous, de plaques etc.).
Plus une fracture est stable - plus on empêche les morceaux de bouger les uns par rapport aux autres - moins la fracture est douloureuse. Il est évident que plus le montage fixe de morceaux cassés et les maintient ensemble, plus le montage est stable sur le plan purement mécanique.

Si l'on prend l'exemple d'une chaise dont un des pieds est cassé, on imagine facilement que l'on ne s'asseoira dessus que si le pied est bien solide. On utilisera pour ce faire de la colle, des chevilles, des vis ou des clous. Parfois, il est vrai, il serait mieux de refaire un nouveau pied ! Ce n'est hélas pas encore possible pour nos os !
De même que l'on n'hésitera pas à s'asseoir, de même le patient qui ne souffre pas et qui se sent stable, n'hésitera pas à appuyer sur sa jambe cassée. Tout le monde sait qu'il est impossible de demander à une personne âgée, de sauter à cloche-pied sur la seule jambe valide.

Ici, c'est la loi du tout ou rien. On n'a pas le choix. Ou l'on fixe tout, ou l'on fixe un peu et, dans ce cas là, tout se passe comme si l'on ne fixait rien. D'ailleurs, le fait de laisser au lit une personne de 75 ou 80 ans pendant 6 semaines est un aveu d'impuissance. Il faut tout faire pour que la personne fracturée puisse être remise debout le plus rapidement possible. La fracture de la personne âgée ne doit plus faire peur ni au patient, ni au chirurgien traumatologue.

Que se passe t-il quelques semaines plus tard ?

Le fait d'appuyer sur un os est indispensable pour la bonne santé de cet os. Les astronautes qui restent longtemps dans l'espace, souffrent de troubles de leur squelette - entre autre. L'os a besoin de la pesanteur pour rester en bonne santé. Si donc on appuie rapidement sur un os réparé, il sera dans les meilleurs conditions pour guérir.
Si, en plus, on a la grande amabilité de lui apporter les éléments nécessaires à sa bonne santé, il vous en sera très reconnaissant et amènera une consolidation en moitié moins de temps (dans 50% des cas) ou en deux mois (dans 75% des cas) soit 1/3 de temps de moins que le traitement classique dont la durée moyenne est comprise entre trois et parfois quatre mois.

Actuellement, le traitement classique consiste à ne s'occuper que du trait principal, à négliger les traits secondaires quand ils existent, et à afficher un royal mépris à l'égard de la cause : "Cette pelée, cette galeuse d'où nous vient tout le mal."
Est-ce à dire que l'on ne s'intéresserait point aux personnes âgées ? Que nenni, les responsables de la "Bone and Joint Decade" se rassemblent dans les grands palaces intercontinentaux, ont des parrains et marraines Royales, Papales et Républicaines. Ils discourent sur l'opportunité qu'il y aurait à tenir la nouvelle conférence - si possible - dans les îles lointaines.

Si l'on a la curiosité d'assister à quelques conférences, on voit dès l'entrée des panneaux gigantesques portant le nom de tel ou tel produit dont on nous dit qu'il est souverain contre la déperdition osseuse. Les chirurgiens traumatologues n'auront bientôt plus que leurs yeux pour pleurer. Dieu merci, ce n'est pas pour demain - dans la mesure où il restera encore des chirurgiens ! Cela est une autre histoire.

Sans entrer dans une polémique bien stupide, force est tout de même de reconnaître que ces grands-messes font sourire un tantinet. Il serait intéressant de poser la question à un auditeur, ce qu'il a retenu d'une conférence faite par un orateur convaincu sur le rôle essentiel joué par un ribosome quelconque sur la version dextrogyre d'une molécule aromatique alcoylée, en présence d'un acide tartrique combiné à un ARN messager transgénique ! On aura compris que cette dérisoire conférence n'a pour but que de faire comprendre que le niveau moyen du médecin de base - comme celui du traumatologue - n'entend rien à ce galimatias scientifique. Il n'y a que quelques initiés de haut niveau capables de savoir ce qui se cache derrière ces formules. J'en fais grâce au lecteur courageux jusqu'ici. Tout ceci pour dire : "Et le patient cassé ?"

De plus, tout cela est juste et bon s'il persiste - comme on l'a vu plus haut - quelque support osseux (les rails) et les wagons (les vaisseaux) pour mener les médicaments (Hormones de substitution et diphosphonates) et les ouvriers (les cellules osseuses) à bon port afin qu'ils puissent travailler ensemble. Nous n'entrerons pas plus avant dans le détail - l'intimité cellulaire - puisque nous ne parlons ici que de l'ostéoporose chirurgicale.


Nous disons simplement qu'arrivé à un stade où - la vieillesse étant un naufrage - il semble que tout soit dit, il reste quand même un capitaine à bord - pour combien de temps ? Cela est un autre problème.
Il devra veiller à colmater toutes les brèches de la coque (le contenant) en les calfatant avec un biomatériau (dans ce cas le corail naturel) puis, il refera le pont et les coursives - si nécessaire (le contenu : les pièces cassées). Quel capitaine accepterait de naviguer sur un bateau à moitié réparé ! Quel homme sage se risquerait sur un esquif aléatoire ? Nos petites grands-mères mériteraient-elles un sort moins enviable que celui d'un bateau ?

Faut-il poser la redoutable question de savoir si l'on veut vraiment faire quelque chose pour "nos vieux". Comme il est doux de voir la sollicitude de nos élus pour "nos vieux" avant les campagnes électorales ? Et quand ils se cassent la hanche, quand il fait trop chaud, qui va les voir ? Lesquels s'occupent d'eux ? Les urgences hospitalières, les associations caritatives et, s'il en reste, les chirurgiens traumatologues. Tout le problème est de savoir s'ils ont les moyens financiers et techniques de bien s'en occuper.

Pour les associations caritatives, la question ne se pose pas puisqu'ils sont de merveilleux bénévoles. Hommage leur soit ici rendu. Hélas, sans rien retirer de leurs exceptionnelles qualités de coeur - dévouement, compassion, disponibilité, générosité... - ils rendent un mauvais service à l'état qui se repose sur eux pour pallier ses insuffisances. Puisqu'il entend diriger la Santé - en la Soviétisant - qu'il la prenne donc en charge avec les mêmes avantages pour tous. La Médecine Française d'après-guerre était la meilleure du Monde. Celle d'aujourd'hui est en train de devenir - faute de moyens - l'une des pires (comme en Angleterre et dans les pays de l'Est) en dépit des appréciations récentes - mais inexactes - de certains ministres de gauche. Nous ne parlons pas encore de la qualité professionnelle de ceux qui l'exercent.

Les urgentistes se battent comme de beaux diables et commencent à faire entendre un peu leurs voix. Ils doivent continuer. Ils doivent exiger plus de locaux, plus de compétence de leurs médecins, plus de repos pour ces garçons et ces filles qui sont surchargés et littéralement épuisés après une nuit de veille.

Pour les traumatologues, c'est l'Etat. Depuis 1968, la situation dans les hôpitaux publics, à quelques exceptions près, se dégrade dramatiquement. L'A.R.H. (Agence Régionale d'Hospitalisation) - le directeur a rang de superpréfet - a tout pouvoir pour fermer les lits d'hospitalisation sur tout le territoire selon des critères qu'il est seul à définir ! Lorsque la décision tombe comme un oukase, il n'y a rien à faire. A moins que la population, lassée des décisions qui les pénalise, décide - comme à Millau - de passer à l'offensive pacifique et de se servir des Médias pour le faire savoir. Bravo.

En conclusion :

Le traitement chirurgical curatif d'une fracture dont la cause est l'ostéoporose devrait bénéficier de la plus grande attention de la part de tous les partenaires de la santé : traumatologues et partenaires sociaux. Les traumatologues devraient se préoccuper plus de la reconstruction de l'os dans sa globalité. Les partenaires sociaux devraient leur en fournir les moyens.

Une nouvelle philosophie n'est pas toujours facile à faire admettre. Il est bon, une fois encore, de rappeler que lorsqu'il s'agit du mieux-être de bon nombre, c'est tout le groupe qui en profite.

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